Sophie Bourgeois dans un écrin de jazz

December 13, 2016  •  Laisser un commentaire

par Philippe Desmond, photos Thierry Dubuc.

Mercredi 14 décembre 2016, Bordeaux pianos Nebout & Hamm.

 

Sophie Bourgeois

 

Bientôt Noël, l’époque des cadeaux mais, dix jours avant, la distribution a commencé avec le concert de la chanteuse Sophie Bourgeois et de son trio. Un cadeau, la première chose que l’on en voit c’est son emballage, parfois son écrin comme ce soir. Celui-ci est très original, une salle de concert insolite, pourtant dans un endroit dédié à la musique, un magasin de pianos. Des instruments partout, des noirs des blancs, des colorés, des pianos à queue, droit, de concert ou d’étude, un paradis pour pianiste. Cela tombe bien car un grand spécialiste va en jouer ce soir.

Nous sommes dans la maison Nebout & Hamm pour la présentation de l’album de Sophie Bourgeois « This is new » et de façon très avant-gardiste, plutôt que de déplacer un piano on a préféré déplacer le pianiste, plus maniable en général. Sophie, la dernière Gazette Bleue de novembre vous l’a présentée et le quotidien Sud-Ouest en a même fait un portrait lundi dernier, insistant, un peu trop peut-être, sur son métier de chirurgien-dentiste. Ce soir nous avons affaire à la chanteuse de jazz et cela va nous suffire amplement !

 

 

Le trio qui figure sur l’album a été reconstitué et se produit en public pour la première fois. William Lecomte pianiste et arrangeur de l’album est aux commandes d’un extraordinaire ¾ de queue, un Steingraeber & Söhne fabriqué à la main à Bayreuth, une Rolls me dira t-il, à la fois puissant et sensible, au toucher délicat. Son frère Samuel Lecomte est à la batterie, une simple mais excellente Yamaha « Manu Katché » mise à sa disposition par Didier Ottaviani. Ces deux musiciens Sophie n’est pas allée les chercher par hasard, ils ont des CV de grande classe, William étant notamment connue pour sa collaboration de longue date avec Jean-Luc Ponty, parmi tant d’autres. La chanteuse bordelaise tenait tout de même à ce que sa ville soit aussi représentée et son choix s’est porté sur Nolwenn Leizour, la contrebassiste avec qui tout le monde veut jouer et pour cause, elle est merveilleuse. Parfaite parité pour une fois sur une scène de jazz !

 

William Lecomte

 

Disons le l’album est excellent comme le souligne Philippe Méziat lors de la présentation de la soirée, présent ici à double titre comme critique de jazz avisé, voire plus, mais aussi comme patient de la dame dont les séances sur le fauteuil lui ont tout appris du projet mûri depuis deux ans. Je le confirme, ayant la chance de l’écouter depuis deux mois pour les besoins de la Gazette Bleue.

Un album de standards, encore me dire-vous ! Et bien oui et des comme ça on en redemande, un choix de titres judicieux et parfois déroutant et surtout des arrangements d’une autre planète de William Lecomte. Sophie et Nolwenn le confirment, cela fut un sacré défi que de chanter et jouer ces pièces ainsi lors de l’enregistrement du disque.

 

Nolwenn Leizour

 

Cela, en plus d’une assistance constituée de beaucoup d’amis à ne pas décevoir mais pas que, le public étant admis sur simple réservation et disons le gratuitement, rajoute à la tension palpable de l’événement et au trac de la chanteuse.

Le choix du premier morceau est à ce titre judicieux pour la détendre, « All of You » de Cole Porter et son gimmick enjôleur de boogie-woogie à la contrebasse, les scats arrivent très vite, c’est parti pour plus d’une heure de bonheur partagé. La jolie voix de Sophie est très vite en place, son sourire aussi, elle est en confiance, le trio lui ouvrant la route avec brio.

Elle enchaîne avec un autre titre de Porter, « One of those things » et ses deux difficiles « th », un supplice pour nous les Français. Le piano donne toute sa musicalité dans la boucle du thème, le swing surgissant de temps en temps. « I’m throught with love » commence en duo voix contrebasse devant cette curieuse façade de maison qui délimite l’intérieur de l’étage du magasin, éclairage rose, douceur de la pierre alliée à celle de la musique, parfait. La batterie est discrète mais présente, au service de la musique nous dira Samuel Lecomte qui pourtant « aime jouer en liberté », les notes graves du piano se fondent avec la contrebasse, une atmosphère intime, la voix de Sophie apportant son émotion. Les deux titres chantés en Français ensuite vont ajouter à l’émotion, le « Ces petits riens «  de Serge Gainsbourg joué sur un rythme de tango introduisant ainsi naturellement « Oblivion » d’Astor Piazzolla mis en paroles par David McNeil. Voix expressive, émouvante, assistance captée, captivée, en apnée.

 

Samuel Lecomte

 

« This is new » nous ramène sur terre, le swing en est magique, quel brio, quel trio ! On sent la chanteuse totalement libérée, il le faut car arrive une curiosité, sans doute très difficile à chanter tant l’arrangement en est complexe, rendant longtemps méconnaissable le thème : « Mack the Knife » que tout le monde connaît mais que beaucoup mettent du temps à identifier. Une pure merveille de William Lecomte « mon arrangeur-dérangeur » aime à dire Sophie Bourgeois. Rythmique primitive des toms de batterie et de la contrebasse, « coups de harpe » sur les cordes du piano – qui seront vite essuyées dès la fin du concert pour en éviter l’oxydation – un univers dont la tension monte progressivement à mesure que se chante le drame, une vraie création. Une référence à Ahmad Jamal me dira William Lecomte, et oui bien sûr !

« I’ve got the world on a string » et le très beau chorus de Nolwenn, puis « One Hand, One heart » couronnent le concert.

En rappel le grand standard « On Green Dolphin Street » seul titre ne figurant pas sur le CD et un succès total pour cette première sortie en public. On en redemande !

Joie ensuite de partager un moment avec les musiciens et les amis autour d’un verre de bordeaux – attention aux pianos – pour étirer une soirée délicieuse. Ces petits riens c’est bien mieux que tout…

Pour les absents une séance de rattrapage avec Sophie Bourgeois et William Lecomte entourés de Dominique Bonadéi (cb), Thierry Lujan (g) et Guillermo Roata (dr) se déroule ce vendredi 16 décembre au Bistrot Bohême à Bordeaux.

 


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