Le retour du Jedi …

August 04, 2016  •  Laisser un commentaire

Par Annie Robert, Photos : Thierry Dubuc

Chroniques Marciennes  # 6

Marciac 4 Août  2016

Le retour du Jedi…

Shahin Novrasli  /  Ahmad Jamal

Soirée des pianos sous le chapiteau de Marciac, soirée des contrastes et de la manière multiple d’aborder le bonheur.
Quelle responsabilité, quelle charge pour Shahin Novrasli d’entamer seul, en tête à tête avec son piano, cette première partie, avec l’ombre tutélaire du maître du piano, Ahmad Jamal donnant à Marciac son concert unique de l’année.

Le musicien natif d’Azerbaïdjan le sait et sa concentration est manifeste. Il va se montrer à la hauteur de la confiance qui lui est faite.

La confrontation solo d’un musicien et de son instrument ne ment pas, elle relève toute l’étendue de sa richesse intérieure. Et Shahin Novrasli n’en manque pas. Un long poème improvisé  débute comme une épopée qui découvre sa route, se dévoilant en volutes et fumeroles, en petits chants de folklore, en tristesse soudaine et en cris retenus, en traits fulgurants et en lancinants ostinati. Son chant porté par une technique éprouvée et sans failles, une formation classique de haut vol, nous entraîne dans un voyage dans le temps celui des improvisateurs, celui de Bach ; et dans un voyage dans l’espace, celui de son pays, de ses paysages, de ses légendes anciennes. Son discours est truffé de milliers d’influences, de figures et de paradoxes. Comme un serpent qui hypnotise, comme une figure maïeutique, comme un amant furieux, il lutte avec son piano, ses démons et ses flammes. La salle ne bruisse plus, elle retient son souffle  et la pluie qui frappe sur le toit du chapiteau  traverse aussi les cœurs, qui battent à l’amble d’un bonheur grisé, débordant de souvenirs nostalgiques.
Un effort de marathonien, un engagement complet. C’est beau comme un lever de lune ou comme une nuit d’orage.

Shahin Novrasli

Shahin Novrasli

Après les teintes pluvieuses et nostalgiques, l’arrivée sur scène d’Ahmad Jamal, 86 ans signe le retour des éclaircies joyeuses. Le vieux maître Jedi , élégant comme toujours, semble fragile lorsqu’il s’avance d’un pas hésitant vers son piano. Mais le sourire conquérant, la complicité avec les trois musiciens qui l’entourent est si patente que d’un seul accord, il fait s’écarter les nuages, et fondre les gouttes de pluie. Fragile lui ?  Pas un brin : clairvoyant, dirigeant son trio d’une main amicale mais présente, royal, et une vitalité à fendre les pierres.

Ahmad Jamal

Ahmad Jamal

La dynamique de sa musique, son ossature,  reste le rythme, incarné de façon magistrale par ses trois sidemen : Manolo Badrena au percus avec son allure de bad boy du Hell Fest, ses congas et ses multiples objets sonores, James Cammack à la basse si expressive en contrepoint, et Herlin Riley à la batterie qui sait se montrer aussi volubile que sobre. Question rythme le piano n’est pas en reste, il peut se montrer percutant, éclater en mouvements telluriques  agités d’un groove d’enfer soutenu et coloré et retomber dans les accords les plus charmants qui nous font fondre de plaisir.  Du paradoxe, de la mélodie, des craquements aussi.

Ahmad Jamal a concocté pour Marciac  un set autour de son nouveau CD intitulé « Marseille » avec une surprise délicieuse : la présence de Mina Agossi dont la voix chaude et sensuelle décline le morceau phare. On regrette d’ailleurs que cette unique apparition soit trop brève.
Parfois debout, les doigts comme des petits marteaux, se hérissant de chemins de traverses pour se recentrer et se retrouver ensuite, Ahmad Jamal est un leader à l’écoute de son groupe. L’élégance est le maître mot de son jeu. Des bribes d’Afrique, des herbes folles de groove, des clins d’œil aux vieilles romances poussent dans les jardins d’Ahmad tantôt dans une simplicité d’eau de source, tantôt dans des tourbillons invités par le piano noir.
L’air s’est assouplit en vagues de bien-être.

Une surprise nous attend en conclusion du set, la présence du slameur Abd El Malik, un petit padawan qui paraît encore plus grand et jeune dans les pas du vieux sage, pour une déclaration d’amour lancinante à Marseille.
La salle ne veut plus lâcher son trésor national, son puits de sagesse, heureuse, joyeuse. Personne n’a sommeil. Un rappel, deux rappels. Le set a semblé si court, le temps s’est contracté si fortement.
C’est pourtant le moment de laisser reposer le vieux sage.

« Obiwan  Jamal que la force soit avec toi !! »  Longtemps…

 


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